PROJET "NATURE ET ARTIFICE" AU COLLÈGE DEBUSSY - SAINT-GERMAIN-EN-LAYE Retour d’expérience d’un PACTE mené avec des collégiens

PACTE NATURE ET ARTIFICE : QUAND LA NATURE S’INVITE À L’INTÉRIEUR DU COLLÈGE

Toutes les photos ©Thomas Péan
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Initialement pensé pour l’année scolaire 2019-20 en partenariat avec La Maréchalerie – centre d’art contemporain de l’École nationale Supérieure d’Architecture de Versailles et en appui sur le projet « Jardins » qu’organisait la ville de Saint-Germain-en-Laye à destination des scolaires, le projet Nature et Artifice a finalement été reporté en raison de la crise sanitaire. C’est finalement au début du printemps 2021, au moment où la nature bourgeonnait, qu’il a revu le jour.

Trois classes du collège Debussy y ont participé activement, chacune à leur manière, dans des productions et des temps différenciés. L’artiste-plasticienne Karine Bonneval est venue rencontrer l’une de ces classes ; les élèves de 3e8, dès le début du mois de mars. Sa première intervention a permis aux élèves de découvrir son travail et sa démarche artistique dans laquelle se développent des rencontres et des collisions entre les hommes et les plantes. Ses sculptures et ses installations réalisées dans des matériaux aussi variés que la céramique ou la pâte à papier évoquent la nature pour ses formes organiques et son fort pouvoir fictionnel.

Après un temps d’échange avec les élèves, il a été décidé de mettre l’accent sur le développement récent des propres recherches de Karine autour du phénomène de symbiose qui lient certaines plantes aux champignons : les mycorhizes. Il s’agit d’une association symbiotique constatée au niveau des racines des végétaux qui favorisent l’absorption d’éléments minéraux tout en favorisant leur croissance. Cet aspect scientifique de la recherche fut l’objet d’un détour par les de SVT, autre discipline associée au projet. Très vite, il fut décidé des orientations de la production menée au côté de l’artiste avec la classe : une installation de grande envergure qui s’inscrirait dans l’enceinte du hall du collège et qui reprendrait le motif rhizomique des racines et des mycorhizes.

Des dessins à l’encre sépia réalisés dans le cours d’arts plastiques, entre deux temps d’atelier, ont donné forme aux premières idées des élèves : certains s’imaginaient des racines entremêlées comme dans une jungle, d’autres pensaient le système racinaire à la manière d’un réseau de canalisations. Chacun s’est projeté dans la future installation sans pouvoir réellement se figurer comment tout cela tiendrait dans l’espace.

Un deuxième temps de pratique artistique en atelier, ancré dans l’expérimentation et la création, a permis d’aborder le projet sous un angle plus concret. De nombreux matériaux naturels et artificiels (boites à œufs, terreau et tubes en pvc) ont été employés dans la réalisation de l’installation finale. Les boites à œufs ont été déchiquetées, plongées et broyées dans l’eau pour la fabrication d’une pâte à papier qui devait servir à créer les mycorhizes. Passée sur des tamis et séchées à l’air libre entre deux séances, ces fines couches de papier furent l’objet d’un cours d’histoire sur les routes du papier, depuis ses origines asiatiques jusqu’à l’invention de l’imprimerie dans l’Europe du XVe siècle. Un petit groupe d’élèves s’est aussi organisé pour agencer la structure racinaire avec les tubes en PVC.

Le regard du professeur, dans ces temps de pratique artistique se porte aussi sur des situations et des attitudes entre les élèves qui inscrivent et valident certaines de leurs activités dans les domaines du socle commun de compétences de l’élève. On y observe la prise d’initiatives, l’autonomie, la capacité à s’organiser et coopérer dans un travail. L’investissement de certains dans un projet tel que le PACTE favorise les petits pas dans le cheminement créatif mais il arrive aussi parfois que certains abordent la création en faisant des bonds de géant.

Fin mars, alors que les cerisiers des espaces verts du collège étaient en fleurs, un troisième temps d’atelier en compagnie de Karine Bonneval a permis aux élèves de 3e8 de poursuivre et de finaliser leur installation. Cette fois-ci, les choses avaient pris forme. Toujours en petits groupes, certains élèves ont étudié longuement l’endroit dans le hall du collège, où serait implanter la sculpture. D’autres ont recouvert les tubes en PVC d’une pâte constituée de colle et de terreau pour former une « peau artificielle » qui devaient donner à la structure, l’aspect d’une écorce.

En fin de séance, l’œuvre a finalement trouvé sa place dans un passage au milieu d’une rampe d’accès pour les personnes à mobilité réduite située à l’extrémité du hall de l’établissement. Cette pente douce est devenue un chemin propice à la déambulation offrant au regard de multiples points de vue sur la production.

Il est toujours intéressant de glisser une oreille ou de capter les premières réactions des élèves. À vif, ils s’émerveillent d’avoir réalisé « un truc pareil ». D’autres redécouvrent un espace du collège jamais considéré. Les échanges avec l’artiste ont nourri le sentiment d’avoir fait « une œuvre » et peut-être même de « véhiculer un message sur la préservation de la nature et sa fragilité ». Ces temps d’arrêt devant la production artistique ouvrent grand le regard et l’esprit. Ils sont des moments où la parole de l’élève interroge, questionne et interprète avec beaucoup de sensibilité ce qui a été produit.

Une cérémonie de restitution autour de l’installation, en présence des élèves, de leurs parents, de l’équipe pédagogique, du partenaire culturel et de quelques élus (l’artiste était malheureusement absente pour la restitution) a permis de valoriser l’ensemble du projet à travers une grande exposition et de rendre compte du travail réalisé. Ce fut aussi une occasion de célébrer l’association de l’Homme et de la nature tout comme l’art avec les sciences et de découvrir combien la création artistique favorise l’épanouissement de nos élèves. L’art de prendre racine pour mieux s’élever… une histoire de mycorhizes en somme !

Thomas Péan, professeur d’arts plastiques et professeur relais (Château de Versailles)

PAROLE ÉLÈVE

Gabrielle, élève de 3e8 au collège Debussy

Quel regard je porte sur le projet ? Un regard très différent sur la nature et l’art contemporain. Je suis ravie de découvrir tous les jours l’installation que nous avons réalisée avec Karine Bonneval dans le hall du collège. Tous les élèves en parlent et cela contribuent à rendre visible un espace auquel on ne prêtait jamais attention. C’est peut-être ça la force de l’art ; permettre de voir le quotidien autrement !
L’installation que nous avons réalisée nous montre quelque chose de minuscule dans une très grande échelle : un système racinaire avec ses mycorhizes. C’est un peu comme l’agrandissement des éléments observées au microscope dans nos cours de SVT.

LE REGARD DU PARTENAIRE CULTUREL SUR LE PROJET

Lucia Zapparoli, Chargée de médiation à La Maréchalerie - centre d’art contemporain de l’Ensa Versailles

Créée de manière expérimentale en 2004 par l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles, La Maréchalerie est un centre d’art contemporain situé sur le site patrimonial de la Petite Écurie du Château de Versailles. Son ambition est de s’ouvrir aux enjeux de la création artistique contemporaine. Le centre d’art organise des expositions essentiellement monographiques, sur la base de productions réalisées in situ.
Un programme d’actions culturelles et éducatives en partenariat avec les établissements scolaires de l’académie de Versailles est mis en œuvre chaque année. Parmi les actions proposées, La Maréchalerie accompagne plusieurs PACTE : des projets artistiques et culturels en territoire éducatif qui permettent la rencontre entre les élèves et les artistes par le biais d’un partenaire culturel.
Quand le collège Debussy a sollicité La Maréchalerie pour construire un PACTE autour de la thématique Nature et Artifice, le choix de Karine Bonneval est apparu évident. En 2012, l’artiste présentait son exposition personnelle au centre d’art : un projet fondé sur la manipulation du vivant par l’humain. Dans l’espace clos de La Maréchalerie des plantes étaient travesties avec des rajouts renvoyant à l’esthétique anthropomorphique. Des cheveux, des cils, des ongles décoraient les éléments végétaux, les transformant en êtres hybrides.
Heureuse de pouvoir partager sa démarche et de transmettre ses recherches auprès des jeunes et des étudiants, Karine Bonneval n’a pas hésité à accepter la collaboration avec les équipes pédagogiques du collège Debussy. « Mycorhizes » fut un projet ambitieux : un processus de déstructuration et de reconstruction des éléments issus du monde végétal a été mis en place, accompagné d’un travail sur le lieu même où allait être implantée l’œuvre, afin de créer une interaction avec son contexte de présentation. Cette réflexion sur le lieu et ses contraintes définit parfaitement l’esprit dans lequel La maréchalerie invite les artistes.
Le projet réalisé avec Karine Bonneval et les élèves de 3e8 du Collège Debussy a permis de prolonger cette réflexion en montrant la porosité entre différentes disciplines : le monde du vivant, l’art et l’architecture, autrement dit la Nature et l’Artifice.

Acccès vers la revue "Daac’tualité" (pages 40-43) paru en juin 2021 :
http://www.clg-debussy-st-germain-l...

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