Baccalauréat : année scolaire 2019-2020 et session 2020 Œuvres et thèmes de référence pour les épreuves de l’enseignement artistique

, par Françoise Grassias

[B.O. n°18 du 2 mai 2019]

Arts plastiques - Enseignement de spécialité, série L

Collaboration et co-création entre artistes : duos, groupes, collectifs en arts plastiques du début des années 60 à nos jours
L’étude des pratiques artistiques en collaboration et en co-création, des années 1960 à nos jours, à partir de démarches d’artistes significatifs, a pour objectif de soutenir l’investigation de l’entrée de programme portant sur le « chemin de l’œuvre » (extrait du programme fixé par l’arrêté du 21 juillet 2010, BOEN spécial n° 9 du 30 septembre 2010), dans la visée globale du programme qui interroge ce qu’est « faire œuvre ».

Une certaine vision de l’artiste en génie solitaire s’est progressivement imposée au XIXe siècle avec la montée en puissance du sujet créateur tendant à laisser en retrait d’autres conceptions de l’artiste, de l’œuvre et de l’art. Pourtant, les pratiques artistiques dites « à plusieurs mains » ne sont pas nouvelles. Historiquement, elles croisent la notion d’atelier et ses évolutions ; elles interrogent la répartition des savoirs et des tâches au service de l’œuvre d’un artiste. Certaines, plus récentes, naissent au sein de regroupements d’artistes désireux de penser et produire ensemble autour de modes de vie et de création choisis, d’engagements esthétiques, sociaux ou politiques, etc. À l’instar de la participation ou de l’interaction avec le spectateur, avec lesquelles elles ne se confondent pas, mais qu’elles peuvent inclure, les collaborations, co-créations et co-conceptions entre artistes conduisent à repenser le processus de création et statut de l’œuvre comme celui de l’auteur.

Une sélection d’œuvres, de démarches, de mouvements et de pratiques significatifs pourra être opérée par chaque enseignant, afin de travailler les points suivants :

 les évolutions à partir des années 1960 des notions d’œuvre et d’auteur dans le cadre des pratiques en collaboration, en co-création et en co-conception, au sein de duos, de groupes et de collectifs d’artistes : désir de non-hiérarchisation entre les créateurs et parfois entre les arts, gestes et manifestations de « singularité collective » - par exemple au sein de Fluxus -, apparition dans les années 1970 et 1980 de la catégorie du couple d’artistes - duos artistiques et dans certains cas dans la vie, etc. ;

 les diverses modalités de partage d’objectifs et de ressources entre artistes : centrées sur la conception et la production ponctuelle d’une œuvre présentée à un public, visant à favoriser des associations et des coopérations dans le contexte d’un projet collectif de plus ou moins longue durée, relevant de collaborations qui peuvent articuler les langages et les pratiques des arts plastiques avec ceux du théâtre, de la danse, du cinéma, de la vidéo, etc. ;

 l’émergence de nouvelles pratiques « à plusieurs » liées au numérique (technologies, processus, concepts), à la constitution de collectifs de création numérique (plus ou moins pérennes, pouvant varier au gré des projets) ;

 les contextes particuliers de certaines œuvres collaboratives, tel celui de l’espace public ou, plus largement, celui suscité par les réflexions actuelles sur la mondialisation ;

 plus généralement, les pratiques singulières développées dans le cadre d’œuvres collaboratives ou coopératives : pratiques de la conversation, de la conférence-performance, etc.

Auguste Rodin (1840-1917)
En s’appuyant sur des œuvres, des démarches et des processus significatifs de l’œuvre d’Auguste Rodin, l’objectif est de soutenir l’investigation de l’entrée de programme portant sur « l’espace du sensible » (extrait du programme fixé par l’arrêté du 21 juillet 2010, BOEN spécial n° 9 du 30 septembre 2010) . Il s’agit d’articuler cette approche précise à l’apport d’autres références dans la visée globale du programme qui interroge ce qu’est « faire œuvre ».


Imprégné des références esthétiques qui lui sont contemporaines, Auguste Rodin en dépasse régulièrement les normes, questionnant nombre de conventions et de canons de la statuaire. Les grandes commandes dont il bénéficie dans le domaine de la sculpture publique témoignent des liens que l’artiste entretient avec la société dans laquelle il vit : les monuments qui en sont issus, en prenant leurs distances avec une rhétorique propre à l’époque, suscitent controverses et polémiques, mais ils apportent à Rodin le soutien et l’intérêt d’un cercle artistique convaincu.


Par une perpétuelle interrogation de l’univers des signes, Auguste Rodin sert l’idée d’une création toujours en mouvement, jamais interrompue, jamais achevée. Fidèle à la « Nature », le sculpteur perçoit les « vérités intérieures sous les apparences ». Entretenant une relation singulière aux processus artistiques, tirant parti des langages plastiques et des matériaux, il élargit les répertoires formels de la sculpture et renouvelle le travail de l’atelier. Les ruptures plastiques et les gestes artistiques qu’il affirme élaborent un nouvel espace sensible. Ce faisant, il invente une autre économie de l’œuvre sculptée, d’une saisissante modernité.

Une sélection d’œuvres emblématiques d’Auguste Rodin sera opérée par chaque enseignant, afin de les mettre en relation en tenant compte de leurs dimensions formelles, techniques, symboliques et sémantiques, à partir des repères ci-après indiqués, sans pour autant devoir s’y limiter :

 les fondements et transformations du rapport de Rodin à la sculpture : références à l’antique, aux cathédrales, à Michel-Ange ; question du mouvement ; problématique du socle ; statut du matériau et matérialité de l’œuvre ; traitement de la lumière ; possibilité du non fini ;


 l’expérimentation au cœur du processus de création : prise en compte du hasard et de l’accident, fragmentation, assemblage, réutilisation, recombinaison, changement d’échelle, répertoire de formes ;


 les temps et lieux de la fabrique de l’œuvre : techniques de la sculpture, organisation matérielle des ateliers, liens avec les assistants, relations avec les modèles, usages du dessin et de la photographie ;


 les grands ensembles sculptés : commande publique, langages et dispositifs plastiques de l’échelle monumentale, conditions de réception, dialogue avec l’environnement et le spectateur.

Machines à dessiner, protocoles ou programmes informatiques pour générer des dessins, trois études de cas avant l’ère du numérique : les Méta-matics de Jean Tinguely, les wall drawings de Sol LeWitt, les dessins assistés par ordinateurs de Véra Molnar.
À partir de l’étude d’une sélection d’œuvres de ces artistes, opérée par le professeur et s’inscrivant dans le cadre de cette problématique, il s’agira de soutenir l’investigation de l’entrée du programme portant sur « Œuvre, filiation et ruptures ». Cette approche, en tant qu’études de cas, s’articule à d’autres références mobilisées dans la visée globale du programme qui interroge ce qu’est « faire œuvre » et nourrit la pratique plastique des élèves.

L’utilisation de machines, de protocoles de travail ou de programmes informatiques pour dessiner - avant même l’ère du numérique - a connu et poursuit des développements contribuant à l’évolution globale des pratiques, des démarches et des attitudes artistiques. Elle ouvre sur une variété de modalités de création et de finalités exprimant également des positions critiques dans l’art et sur la société.

Les Méta-matics de Jean Tinguely (1925-1991), les wall drawings de Sol LeWitt (1928-2007), les dessins assistés par ordinateur de Véra Molnar (née en 1924) reconfigurent, élargissent ou déplacent les manières de convoquer ou de générer le dessin. Héritières de lointaines traditions et témoignant de divers usages du dessin en art, elles sont porteuses de nombreuses caractéristiques de la modernité en art.

Axes de travail :

On sera attentif, à partir d’exemples précis et de problématiques dégagées des démarches et productions de ces trois artistes, à :

 explorer les potentialités de l’usage à visée artistique de machines, de technologies, de protocoles de travail dans le champ du dessin ;

 analyser la nature et le statut du geste artistique dès lors que l’artiste n’est pas l’unique inventeur ou producteur du dessin ou qu’il l’intègre dans un processus plus large ;

 mettre en perspective les pratiques de ces trois artistes avec les différentes conceptions et usages du dessin en arts plastiques.

On veillera à ne pas confondre cette étude avec une histoire générale du dessin ou avec des monographies de Jean Tinguely, de Sol LeWitt et Véra Molnar, comme avec une investigation exhaustive de toute leur œuvre.


Arts plastiques - Option facultative toutes séries

Sophie Taeuber-Arp (1889-1943)
En appui sur trois œuvres significatives de Sophie Taeuber-Arp, le professeur soutiendra l’investigation de l’entrée de programme portant sur « la tradition, rupture et renouvellements de la présentation : la tradition du cadre et du socle, ses ruptures et renouvellements contemporains » (extrait du programme fixé par l’arrêté du 21 juillet 2010, BOEN spécial n° 9 du 30 septembre 2010).

Artiste particulièrement inventive, Sophie Taeuber-Arp est pleinement inscrite dans les avant-gardes du début de XXe siècle. Elle devait pourtant rester longtemps dans l’ombre des grandes figures masculines de la modernité en arts plastiques. Membre de Dada, pratiquant l’art concret bien avant que les principes en soient énoncés par Théo Van Doesburg, elle s’est rapidement associée à des groupes d’artistes de tendance abstraite : Cercle et Carré, Abstraction-Création ou Allianz. Son œuvre très diverse s’exerce dans de nombreux domaines entre lesquels elle entretient de nombreux liens, les nourrissant réciproquement de leurs langages, de leurs esthétiques, de leurs avancées : peinture, sculpture, danse, architecture, architecture d’intérieur, arts décoratifs, etc. Elle devait également fonder et éditer la revue Plastique/PLASTIC.

 Sophie Taeuber-Arp (1889-1943), Tapisserie Dada, Composition à triangles, rectangles et parties d’anneaux, 1916, tapisserie au petit point, laine, 41 x 41 cm. Musée national d’art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris. Legs Mme Ruth Tillard-Arp, 2007 ;

 Sophie Taeuber-Arp (1889-1943), Jean ou Hans Arp (1886-1966), Théo van Doesburg (1883-1931), L’Aubette, 1926-1928, aménagement et décors d’un complexe de loisirs (café, restaurant, brasserie, salon de thé, ciné-bal, caveau-dancing, salle des fêtes, etc.) sur quatre niveaux (caveau, rez-de-chaussée, entresol et étage), Strasbourg. Premier étage restitué de 1985 à 2006. Classée au titre des Monuments Historiques ;

 Sophie Taeuber-Arp (1889-1943), Relief rectangulaire, rectangles découpés, rectangles appliqués et cylindres surgissants, 1936, relief en bois peint, 50 x 68.5 cm, signé et daté sur le dos : SH Taeuber-Arp 1936. Kunstmuseum, Basel. Don de Marguerite Arp-Hagenbach, 1968.

Les transparents de Carmontelle : d’une mise en scène de l’image aux prémices de l’histoire de l’installation.

Ces œuvres et cette problématique visent à soutenir l’investigation de l’entrée du programme portant sur
« l’aspect matériel de la présentation : le support, la nature, les matériaux et le format des œuvres ». Si l’étude des transparents réalisés par Louis Carrogis dit Carmontelle (1717-1806) en constitue l’objet, elle est aussi le point d’entrée - y compris dans le cadre de la pratique des élèves - vers des éléments de comparaison avec des stratégies et des modalités de présentation développées ultérieurement.

La part faite en arts plastiques à la sollicitation des sens du spectateur (perceptions tactiles, synesthésiques, auditives, etc.), son immersion ou son implication dans l’œuvre sont des caractéristiques de la modernité, sans en être les uniques marqueurs. En matière de présentation, la cimaise - « présentoir » frontal - s’est avérée particulièrement propice à soutenir un système de retrait contemplatif du regardeur. De nouvelles expériences sensibles et définitions de l’œuvre ont été proposées par l’installation et ses prémices. Celles-ci jouent fréquemment avec les mises en scène de l’image, le développement de son mouvement ou de la relation du spectateur avec l’image. Quelques précédents avant le XXè siècle, dont les transparents de Carmontelle et leur dispositif, ont jalonné progressivement les possibilités de cet élargissement de la conception et de la réception de l’œuvre plastique.

Axes de travail :

On étudiera les enjeux et problématiques que proposent les transparents de Carmontelle du point de vue de la présentation :

 l’émergence d’un mouvement imprimé à l’image et d’une mise en scène de l’œuvre plastique dans les transparents de Carmontelle ;

 les caractères nomades et éphémères de la monstration des transparents et multi sensoriels de leur réception ;

 les modalités techniques du dispositif et d’organisation de l’espace de présentation chez Carmontelle.

En prenant appui sur des exemples précis, librement choisis, le professeur enrichira cette étude des transparents de Carmontelle de leur écho dans les pratiques contemporaines.

Bill Viola
En appui sur des œuvres de Bill Viola, le professeur soutiendra l’investigation de l’entrée de programme portant sur « le statut de l’œuvre et présentation » (extrait du programme fixé par l’arrêté du 21 juillet 2010, BOEN spécial n° 9 du 30 septembre 2010).

Mondialement reconnu, Bill Viola est aujourd’hui un des artistes majeurs de l’image électronique. Né en 1951, il a grandi à l’ère des premiers développements de l’art vidéo. Dès ses études et ses premiers travaux d’artiste, il privilégiait ce nouveau médium pour en explorer les multiples possibilités artistiques : captations de performances, mises en espace des images et des moniteurs vidéo, exploitation du potentiel plastique, sémantique, symbolique des projections sur de grandes surfaces... Au moyen d’installations intimistes ou monumentales, ses créations interrogent le rapport au temps de l’œuvre et au réalisme des sensations, des émotions et des expériences. Sculptant le temps, bouleversant les perceptions, immergeant le spectateur, Bill Viola propose une relation différente aux images animées. Il en pousse notamment les conventions narratives pour rejoindre parfois l’idée de « tableaux animés ». Il associe le visuel, le sonore et l’espace. Il tire parti des appareils et des technologies (caméras, optiques scientifiques, systèmes numériques...), des formats et des qualités des écrans (miroirs, moniteurs multiples, rétroprojecteurs...). Il joue de divers effets (ralentissements, grossissements, pétrifications...). Nombre de ses créations ouvrent des dialogues entre la modernité du médium digital et un univers d’images s’inscrivant dans l’histoire de l’art.

Le professeur pourra sélectionner des œuvres parmi celles indiquées ci-après, à titre de repères, sans pour autant devoir s’y limiter :

 des bandes vidéo aux écrans plasma : The Reflecting Pool, 1977-79 ; Chott El-Djerid, 1979 ; Reverse Television - Portraits of Viewers, 1983-1984 ; Deserts, 1994 ; Walking on the Edge et The Encounter, 2012 ; The Dreamers, 2013 ;

 sculptures vidéo et installations : Heaven and Earth, 1992 ; The Sleepers, 1992 ; The Veiling, 1995 ; The Crossing, 1996 ; Going Forth By Day, 2002 ; The Tristan Project (Fire Woman et Tristan’s Ascension), 2005 ;

 références aux grands maîtres : The Sleep of Reason, 1988 ; The Greeting, 1995 ; The Quintet of the Astonished, 2000.

>>> Consulter le B.O.

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