LES VANITÉS SONT À L’HONNEUR AU MUSÉE DES BEAUX ARTS DE LYON

, par Thomas Péan

L’exposition "À la mort, à la vie ! Vanités d’hier et d’aujourd’hui" présentée au musée des Beaux Arts de Lyon jusqu’au 7 mai, réunit un ensemble d’œuvres riches et variées dans un parcours en 10 chapitres.

L’exposition débute avec la période du Moyen Âge où la notion de vanité apparaît à travers les danses macabres et les triomphes de la Mort.
Les squelettes incarnent des morts sortis de leur tombe pour entraîner les vivants dans leur danse.

Les gravures présentes dans la première section de l’exposition illustrent cette thématique, la plus célèbre étant celle de Hans Holbein le Jeune réalisée en 1524 : de petits squelettes surprennent des hommes et des femmes dans leurs occupations quotidiennes.

La vanité trouve également une résonance singulière dans le traitement du passage de l’enfance à la jeunesse, ou celui vers l’âge adulte. Certaines œuvres y font allusion comme par exemple dans le tableau de Cornelis Schaeck qui donne à voir la représentation d’un intérieur de savetier, tout en étant porteur d’une dimension réflexive et morale.

Pour dénoncer la fugacité de la jeunesse, de la beauté et de l’amour, les artistes ont associé la mort au thème de l’enfance. Cette combinaison de la mort et de l’enfant apparait pour la première fois en Italie au XVIIe siècle, au revers d’une médaille de Giovanni Boldù. Le début et la fin de l’existence ont été par la suite, souvent rapprochés, afin d’exprimer de manière frappante, le caractère éphémère de la vie.

La nature morte occupe une place de choix dans l’exposition.
En tant que sujet indépendant, elle n’apparaît qu’au XVIIe siècle, dans les provinces de Flandres et de Hollande, à la même époque que la scène de genre.

Au XVIIe siècle, les squelettes des danses macabres font place à des objets inanimés organisés autour de crânes et d’instruments symboliques. Dans ces compositions souvent sophistiquées, les artistes représentent des éléments qui renvoient de manière allégorique au caractère éphémère de l’existence, tels les instruments de mesure du temps (montre, sablier), de musique (violon, flûte) ou bien des bougies, des papillons et même des bulles de savon.

Dans les pays catholiques du Sud de l’Europe, les crânes et leurs représentations sont considérés comme des supports indispensables
à la prière et rappellent à quelle fin le fidèle est voué.

Dès ses débuts, la nature morte s’offre comme un genre illusionniste qui permet au peintre de montrer sa virtuosité et sa dextérité à restituer le velouté d’une pêche, la transparence d’une carafe en cristal où l’éclat d’un plat en argent. Cela n’est pas sans rappeler l’exemple de Zeuxis rendu célèbre par l’Histoire naturelle de Pline l’ancien ; Zeuxis avait si fidèlement reproduit en peinture des raisins que les oiseaux, trompés par la représentation, tentèrent de les picorer.

À l’instar de Sébastien Stoskopff ou Albrecht Kauw, certains peintres créent des natures mortes sobres et élégamment composées qui invitent le spectateur à l’humilité et à la modération. Des artistes contemporains tels que Miquel Barcelò ou Paul Rebeyrolle sont présentés dans l’exposition comme les héritiers de ces peintres du Siècle d’or.

Le parcours de l’exposition se termine sur des chapitres consacrés aux fleurs et aux animaux.

La fleur est l’un des symboles de la fragilité de l’existence. De simples bouquets, peints pour la plupart au XVIIe siècle, suffisent parfois à rappeler le caractère éphémère et transitoire de la vie : fleurs flétries, pétales tombés au sol, feuilles entamées, tige brisée, permettent de renforcer cette idée.

Les vanités ont aussi pour sujet les animaux morts. Dans les natures mortes romaines du Ier siècle, on trouve déjà des canards, des oiseaux et des lapins accrochés au mur par les pattes. De grandes figures de la Renaissance (Albrecht Dürer, Lucas Cranach) peignent à leur tour des oiseaux morts suspendus. Il faut attendre le XVIIe siècle pour voir se multiplier en Flandres et aux Pays-Bas des représentations de gibiers dans des natures mortes virtuoses, qui constituent de véritables vanités.

T. Péan
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Exposition "À la mort à la vie, vanités d’hier et d’aujourd’hui", à voir jusqu’au 7 mai 2022 au Musée des Beaux Arts de Lyon

Visite privée de l’exposition par le Scribe Accroupi :

DES PISTES PÉDAGOGIQUES QU’IL PEUT ÊTRE INTÉRESSANT DE CREUSER EN CLASSE :

 Travailler les écarts entre le réel et sa représentation

 Faire illusion dans une production picturale

 Donner à voir une image dans une dimension symbolique

 Attraction/répulsion : se jouer du réel pour l’embellir

 Représenter la nature par d’autres sens que la vue

 Représenter le temps avec des outils numériques (le temps ressenti et le temps qui passe)

 Interroger "le cabinet de curiosité" comme dispositif d’exposition

 Rendre visible et sensible la notion d’éphémère dans une production artistique

 HDA / La mort à l’œuvre : comment les artistes traitent-ils de ce thème dans leurs productions ?

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 À la mort, à la vie, vanités d’hier et d’aujourd’hui, Catalogue d’exposition, éd. Bernard Chauveau, 2021

 Les Natures Mortes, par Norbert Schneider, éd. Taschen, 2008

 Nature Morte, Contemporary artists reinvigorate the Still-Life tradition, éd. Thames & Hudson, 2016

 Les vanités dans l’art contemporain, par Anne-Marie Charbonneaux, éd. Flammarion, 2010


NB : Le musée du Louvre organisera une exposition sur les natures mortes en octobre prochain :

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