CHARLES RAY, L’OBSESSION DU RÉEL

vendredi 11 mars 2022, par Thomas Péan

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Rarement exposée en France, l’œuvre de l’artiste américain Charles Ray (né en 1953), fait l’objet d’une double exposition rétrospective au Centre Pompidou et à la Bourse du Commerce – Pinault Collection et permet d’ouvrir de nombreuses pistes d’enseignement dans le champ de la pratique sculpturale.

Dans les deux institutions, le parcours de visite s’amorce sur la confrontation singulière de plusieurs pièces qui tissent entre-elles certaines correspondances. À la Bourse du Commerce, les surfaces lisses et brillantes d’un jeune enfant sculpté dans un acier inoxydable s’opposent à la rouille d’un vieux pick-up transportant avec lui la fin de l’âge d’or industriel.
Au Centre Pompidou, c’est le tragique d’un accident contenu dans une voiture cabossée qui répond à deux photographies en noir et blanc documentant les premières performances de l’artiste où son corps fut plaqué au mur, plié autour d’une planche.

La scénographie retenue dans les deux institutions n’est pourtant pas la même : à la Bourse du Commerce, les œuvres se laissent approcher dans un cadre épuré tandis qu’au Centre Pompidou les sculptures se livrent à bonne distance, protégées dans un écrin que dessinent des caissons blancs.

On l’aura compris, l’œuvre de Charles Ray est une affaire de surface et d’espace. Chacune de ses pièces fait l’objet d’un travail minutieux dans son exécution -certaines œuvres nécessitant parfois de longues années d’élaboration-. Entre travail manuel et produit d’usine, vide et plein, fragile ou imputrescible, léger ou lourd, mobile ou statique, l’artiste décline toutes les questions de la sculpture dans des œuvres qu’il qualifie d’« objets philosophiques ». L’artiste souhaite que "ses sculptures soient capables d’agir sur le spectateur", le plus souvent en les fixant de plain-pied sur le sol, sans aucun socle.

Les deux expositions permettent de découvrir des œuvres qui agissent sur le principe du leurre et jouent à nous déstabiliser, à remettre en question nos croyances et nos perceptions comme pour cet autoportrait photographique (No, 1992) accroché au Centre Pompidou : au premier regard, on reconnait l’artiste, chemise rouge et bras croisés. Lorsqu’on y prête attention, le doute surgit et l’on entrevoit la photographie d’un simple mannequin fabriqué à l’image de l’artiste.

La figure du doute constitue d’ailleurs le sujet d’une des dernières œuvres de l’artiste (Doubting Thomas, 2021) présentée dans les étages de la Bourse du Commerce. Charles Ray multiplie dans son travail les références à l’histoire de la sculpture (antique et baroque). On peut s’amuser à démasquer la foule d’allusions à l’histoire de l’art comme par exemple, la Vénus d’Urbino de Titien dont le sculpteur caricature la posture dans sa sculpture Mother.

Entre formalisme et réflexion sur la représentation, Charles Ray questionne la notion d’échelle et notre rapport au réalisme. Les êtres et les objets qui peuplent son œuvre déjouent nos repères, par quelques imperceptibles décalages et transpositions, par un recours à ce que l’œil pourrait, au premier regard, retenir comme une obsession hyperréaliste et virtuose, mais dont les détails se dérobent.

Texte T. Péan

Charles Ray - Centre Pompidou / Jusqu’au 20 juin 2022
Charles Ray - Bourse du Commerce - Collection Pinault / Jusqu’au 06 juin 2022

Les œuvres présentées dans l’exposition ouvrent de nombreuses pistes pédagogiques et permettent de tisser des liens avec les programmes d’enseignement du collège et du lycée :

– Sonder les écarts et la ressemblance avec le réel
– Représenter la figure
– Modifier et perturber l’échelle d’un objet
– La sculpture en tant que trompe-l’oeil
– La question de la citation
– Copier, répliquer, réinventer
– Les qualités physiques des matériaux
– Avec ou sans le socle ? Quelle incidence sur la relation entre l’œuvre et le spectateur ?
– Jouer sur des polarités dans une pratique sculpturale : léger/lourd, brillant/mat, hyperréaliste/schématique etc...