À NICE, LE MAMAC EXPOSE LES ŒUVRES DE SPOERRI

, par Thomas Péan

L’exposition que consacre actuellement le Mamac de Nice à Daniel Spoerri, fourmille de tableaux-pièges, détrompe-l’œil et autres assemblages d’objets qui ont fait la renommée de l’artiste. L’exposition met en lumière « le théâtre des objets » que Spoerri n’a cessé de collecter, assembler, déplacer, coller, contre-coller tout en confrontant le réel au hasard, l’objet à sa représentation.

L’exposition retrace en trois grandes étapes l’itinéraire de cet artiste né en1930 en Roumanie et venu se réfugier en Suisse après l’assassinat de son père lors d’un pogrom. Après avoir été premier danseur à l’Opéra de Berne, il devient metteur en scène pour le théâtre. Dans les années 60, il rejoint le groupe des Nouveaux réalistes (Yves Klein, Arman, Jean Tinguely, etc.) qui aspirent à recycler de manière poétique, les formes du « réel urbain, industriel et publicitaire ». C’est le début des premiers « détrompe-l ’œil » dont fait partie La Douche (1961). Non sans humour, Spoerri détourne une peinture trouvée sur un marché aux puces (un paysage alpin où coule une rivière) en y associant une pomme de douche avec son tuyau de robinetterie. Le regardeur est arraché à la contemplation du paysage pour être ramené à la trivialité de l’objet dont l’eau créer le continuum.

À la même époque, il crée ses premiers « tableaux-pièges » : des objets trouvés par hasard dans la rue, sur les tables des bistrots ou dans les marchés aux puces. Spoerri les fixe -les piège- tels quels, sur des panneaux qu’il redresse à la verticale en les accrochant au mur comme on le ferait d’un tableau. Fixé selon les lois du hasard, le « tableau-piège » prend pour cible la peinture dans son acception classique : l’objet n’est plus représenté mais présenté ; la question de la composition est reléguée au hasard ; le geste de l’artiste est réduit à une action minimale et distanciée : coller et basculer la composition à 90°.

Ce basculement du plan horizontal à la verticale devient sa méthode : « j’essaie de coller des situations préparées par le hasard » affirme ainsi l’artiste.
Ces « situations d’objets » qui s’inscrivent dans l’ombre des readymades de Marcel Duchamp forcent le spectateur à requalifier ces objets de pacotille sous un nouveau jour. Tableau ? Assemblage sculptural ? L’œuvre de Spoerri, au même titre que celles des autres membres du Nouveau réalisme, va contribuer à élargir les catégories traditionnelles de l’art, notamment dans le champ de la sculpture.

La nourriture et les restes de repas occupent également une place de choix dans l’œuvre de l’artiste. C’est le début d’une autre aventure : « l’Eat Art ».
En 1963 Spoerri organise dans les galeries qui l’exposent, des repas à thèmes (menus serbes, hongrois, suisses …) servis par des critiques d’art. À la fin du repas, le rituel est toujours le même : les couverts et les restes de repas sont soigneusement collés et fixés sur les plateaux des tables tels qu’ils ont été abandonnés. La dernière étape consiste à redresser les plateaux pour les accrocher au mur comme de nouveaux « tableaux-pièges ». Spoerri parle de la métamorphose d’un acte de restauration : préparer un repas avant qu’il ne devienne le sujet d’une nature morte.

Texte : T. Péan

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Exposition à voir à Nice, au Mamac jusqu’au 27 mars 2022
Plus d’info par ici

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Les œuvres présentées dans l’exposition ouvrent de nombreuses pistes pédagogiques et permettent de tisser de nombreux liens avec les programmes d’enseignement du collège et du lycée :

 Représentation/présentation

 Écart et ressemblance avec le réel

 La question du trompe-l’œil

 La question du support de l’œuvre

 Hétérogénéité et cohérence plastique / l’art de l’assemblage

 Travailler la sculpture avec des objets du quotidien

 Requalifier des objets du quotidien dans une dimension artistique

 À plat ou en relief : construire une image avec des matériaux hétéroclites

 Etc..

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